oriental ; état des lieux
Colloque international: “Les agdal-s de l’Atlas marocain: savoirs locaux, droits d’accès, gestion de la biodiversité” (Marrakech, les 10,11, 12 mai 2007)
Introduction
Les massifs montagneux dont il est question comprennent le Moyen Atlas et le Haut Atlas oriental marocain. Cette communication procède à un état des lieux de certains almu-s de ce vaste ensemble, dont bon nombre d’anciens agdal-s en butte à la déréglementation, assortie d’atteintes diverses. Nous nous efforcerons, à travers les savoirs locaux, de démontrer ce qui perdure de ces règles d’accès aux parcours d’altitude ; d’examiner le fonctionnement actuel des agdal-s sur le plan de l’interaction socioculturelle; d’établir le bilan d’une bien précaire biodiversité (assortie de notes ornithologiques) ; d’attirer l’attention sur la situation préoccupante des agdal–s de l’Atlas marocain et de propose quelques solutions.
Les savoirs locaux
Le terme almu est employé pour désigner un herbage d’altitude. Chez les pastoraux de langue amazighe il revêt une connotation positive ; d’un homme heureux on dira, iy-as ul almu (‘il a le cœur en fête’). La poésie locale, par ailleurs, reflète un imaginaire sous-jacent riche en allusions :-
Quiconque détient destrier, tapis, fusil, la belle calée
Sur selle, fera halte sur gazon fleuri, entendra théière
Chanter ; pourra alors l’adversité défier ! (Roux & Peyron 2002)
Considérons également ce distique, tiré du répertoire d’un barde nomade :-
Petit gazon, demeure tel que tu es ; deviens, au besoin, desséché ;
Peu m’importe, dès lors qu’à tes fleurs j’ai goûté ! (Peyron 1993)
Ajoutons-y proverbe qui résume le regard que porte sur la vie un Amazigh du Moyen Atlas :-
Trois choses comptent ici-bas : les belles femmes,
La danse de l’ahidus, et l’herbe des verts pâturages ! (Peyron 1992)
Modalités d’accès
Tout almu n’est pas obligatoirement un agdal. Il ne le devient que suite à un accord entre les usagers des lieux, pastoraux obéissant aux lois de la transhumance. À l’époque ancienne où s’appliquait l’izerf (‘droit coutumier’), si un almu était jugé indispensable à la survie des troupeaux du groupe, l’assemblé (jemmaâ) prenait la décision d’en réglementer l’accès et désignait, pour l’année, un amghar n-igudlan (‘cheikh des pâturages’). Celui-ci était chargé de veiller à la mise en défens de l’agdal, donnant à ce terme sa pleine signification (√ GDL = ‘protéger’, en Tamazight). L’amghar n-igudlan avait le droit, s’il surprenait sur les lieux un troupeau contrevenant, d’imposer une amende (izmaz), voire d’y prélever un bélier à titre de sanction.
almu de xérophytes sous le Ma’asker, région de Tounfit, mai 2007 (photo: M. Peyron)
Habituellement, l’agdal de montagne était ouvert depuis fin-mai (ou fin-juin) jusqu’à la fin-septembre selon les massifs, moyennant quelques aménagements hors saison pour de petits troupeaux locaux. C’est à ce calendrier schématique qu’obéissaient les mouvements de transhumance observés pendant les années 1960/1970, notamment en ce qui concerne le massif du Bou Iblan – montée des gens de Tanchraramt vers Tisserouine (1) – ou de la fréquentation des almu-s d’Aïn Taghighat (Raynal 1960) et de Tafraout n-Serdoun dans l’Ayyachi (2).
Des modifications pouvaient être apportées à ce calendrier, à la discrétion de l’amghar n-igudlan, concernant la date de descente depuis l’estive, notamment en cas de précipitations nivales précoces. À prolonger le séjour en altitude, les troupeaux couraient de graves risques ; de plus, la neige risquait, en les aplatissant, de rendre hors d’usage les tentes des transhumants (3).
De nombreux indices laissent à penser qu’aux temps anciens, de manière à renforcer les lois qui en régissaient l’accès, il y avait sacralisation de l’agdal. En outre, les sources faisaient l’objet d’une vénération quasi-religieuse, dont subsistent des vestiges. C’est le cas de la source d’Almou n-Ouensa (4), ainsi que celle de Taghbalout n-Zagmouzen, rive gauche de l’Asif Melloul, à la limite des Ayt Hadiddou et des Ayt Sokhman.
Berger Ou-’Ammar près d’Anefgou (photo: M. Peyron)
Parfois, le culte d’un saint local, ou agurram, est associé à l’almu voisin. Il en est ainsi du sanctuaire de Sidi Amandar, juché sur un avant-mont escarpé de 2 950m, à 5 kilomètres au sud-ouest d’Imilchil, et dont la baraka s’étend sur les pâturages de Tanoutfit, d’Almou n-Oumandar, ainsi que sur le sommet principal d’Amandar (3 037m). Effectivement, le sanctuaire comprend deux cabanes contenant un nécessaire de bivouac : bougies, nattes, vivres, combustible, etc. D’après la présence de cornes et d’ossements de béliers il y a tout lieu d’en déduire que des sacrifices propitiatoires y sont régulièrement célébrés (5). De même a-t-on relevé, dans un canton voisin du pays Ayt Yahya, des traces similaires d’immolations au sommet du Tizraouline (3 118m) – ceci à mettre en rapport avec la fréquentation de l’Almou n-Igri voisin (‘pâturage des grenouilles’) (6).
Par ailleurs, en faisant appel aux forces surnaturelles, la tradition orale peut renforcer la magie des lieux, de façon à éviter toute infraction aux lois de la transhumance. Les Ayt Warayn (notamment la fraction des Ahl Tanchraramt) qui fréquentent en été les parcours de Tisserouine dans le Bou Iblane, désignent un amoncellement rocheux en expliquant qu’il s’agit là « d’une vieille, sa tente, son berger, et son troupeau ». C’est la légende de « La Vieille » (tafqirt) (7). Janvier étant achevé, la vieille femme, fière d’avoir tenue en montagne grâce au beau temps du plein hiver, nargue le mois finissant. Ce dernier appelle à la rescousse son collègue Février, lequel envoie une tempête qui ensevelit et pétrifie humains, tente et bêtes – d’où les roches actuelles.
Si les ethnologues font ainsi moisson en matière de tradition orale, les scientifiques, perçoivent essentiellement les agdal-s comme contribuant à entretenir la biodiversité.
De possibles sanctuaires de biodiversité
Le tandem pâturage/zone humide, réunissant cheptel, flore, avifaune, batraciens et lépidoptères, constitue le plus fécond des biotopes. Nous en présentons brièvement quelques cas concrets.
1) Agelmam Afennourir (< ikhf n-awrir = ‘tête de la montagne’).
Situé parmi des pâturages à 1 796m d’altitude au sud-est d’Aïn Leuh, cet étang marécageux, aux abords asylvatiques, incarne la notion de biodiversité au Moyen Atlas. Site privilégié pour oiseaux aquatiques résidents et/ou migrateurs, on y recense une quarantaine d’espèces, dont certaines relativement rares. Érigé en site Ramsar, il fait l’objet d’un certain suivi scientifique, sans être entièrement à l’abri du braconnage (Peyron 2005), car une route, non goudronnée en fin de parcours, en facilite l’accès. Avec l’effondrement de la réglementation traditionnelle sur les pâturages qui caractérise le Moyen Atlas depuis quinze ans, les anciens transhumants, devenus sédentaires, maintiennent sur les pelouses riveraines une pression permanente (Chillasse & al. 2001). En effet, un nombre considérable de ces nouveaux bergers, dont des éléments allogènes (8), remplacent la classique tente berbère des transhumants par des abris permanents en pierre, bois, plastique, et « squattent » les lieux. Pour l’heure, il règne un équilibre précaire à Afennourir entre avifaune et transhumants, la proximité d’une pelouse de joncs (Juncus bufonius), ainsi que des îlots de végétation aquatique (Scirpus holosehoeunus) permettant la nidification de certaines espèces, dont des grèbes et des canards (9).
Pâturages en bordure d’Agelmam Afennourir, mars 2009 (photo: M. Peyron)
2) Pâturages de Tassamakt.
Situés au sud-ouest de Timhadit entre 1 850 et 1 950m d’altitude, sur les parcours de la fraction des Imrabden des Ayt Myill (Beni Mguild), ceux-ci s’étendent sur sept kilomètres entre le Ras Admar Izem au nord et les anticlinaux d’El-Koubbat (2 255m) et du Jbel Hayane (2 409m) au sud, constituant un des plus vastes ensembles de pacages du Moyen Atlas occidental. Site exceptionnel, combinant pelouses sèches, semi humides, voire humides (présence de nombreux étangs saisonniers), il a été contaminé en un premier temps par l’installation d’une exploitation de schistes bitumineux, opérationnel au début des années 1980 (site dit « de Beqrit » fermé depuis, Peyron 2000), avec construction d’un axe goudronnée, le CT 3389, et édification d’une école. En un deuxième temps, dans le courant des années 1990, l’accès étant ainsi facilité aux pastoraux, ceux-ci se sont installés en force (Johnson & Bencherifa 1993). Ainsi peut-on actuellement y dénombrer au moins dix bergeries permanentes, chacune abritant un cheptel dépassant une centaine de têtes (10). Tendance généralisée à travers le Moyen Atlas, cela provoque l’effondrement du principe même de l’agdal, d’où des répercussions néfastes à terme sur les herbages : disparition de la notion de mise en défens ; pression exagérée sur les points d’eau ; impossibilité pour l’herbe de dépasser le stade de pelouse rase et apparition généralisée de gazons écorchés sur les bordures.
Pâturages de Tassamakt, belle pelouse & gazon écorché, Moyen-Atlas, mai 2006 (photo: M. Peyron)
Il convient de faire remarquer, toutefois, qu’au moins deux zones de parcours du Moyen Atlas échappent partiellement à cette règle : celles de Zaouia Oued Ifran et d’Agelmam Sidi Ali. La première, grâce à une impulsion dynamique donnée par le maire de l’agglomération, Mohamed Fadili, a réussi à rétablir pour les troupeaux la classique alternance entre azaghar en hiver et jbel en été (11). La deuxième, comprend les nombreux pacages qui bordent la RP 21 entre le lac de Sidi Ali et le Col du Zad. Si, malgré la sècheresse, certains troupeaux des Ayt Raho ou Ali y accèdent en mars depuis Boulâajoul en Haute Moulouya, la fermeture est respectée en avril/mai. C’est à la fin-mai que devient effective la montée en estive (12).
3) Le Jbel ‘Ayyachi (Âari n-ou Ayyach).
Champ de maïs & ‘Ayyachi vu des Imtchimen, Haut Atlas oriental, nov 1983 (photo: M. Peyron)
Troisième massif marocain par l’altitude et l’étendue, il constitue un véritable carrefour de mouvements pastoraux, dont les pâturages sont convoités, à des degrés divers, par plusieurs groupements faisant partie de la « super-tribu » des Ayt Yafelman: les Ayt Yahya, Ayt Ayyach, Ayt Merghad et Ayt Hadiddou. Dès le 17e siècle ce sont les igurramn de la Zaouia Sidi Hamza, qui, profitant de leur situation stratégique, arbitreront les conflits pastoraux dans l’Ayyachi (Peyron 1984). Démêlées inter- et intra-tribaux ayant abouti à une répartition relativement équitable des pâturages de l’Ayyachi. C’est la conclusion qui s’imposait au terme de tournées sur le terrain effectuées entre 1975 et 1991.
Nomades Ayt Merghad, cirque de Ja’afar, mai 1969 (photo: M. Peyron)
En effet, la fréquentation des igudlan d’Aïn Taghgighat et de Tafraout n-Ouallil, étagés entre 2 600 et 3 000m, représentait au début des années 1990 un cas assez exemplaire de compromis basé sur la coutume locale. Des transhumants Ayt Merghad et Ayt Hadiddou en partageaient l’accès avec un minimum de frictions ; les premiers montaient depuis Tattiouine au Nord par la vallée d’Ikkis et passaient le Tizi n-Tserdount (3 046m) ; les seconds, venus de Tannghrift sur le versant assamer (‘adret’), avaient franchis le Tizi n-Mawtfoud (2 788m) et le Tizi n-Bou Âadil (3 078m). L’unique source d’Aïn Taghighat (2 750m), avec sa pelouse humide, desservait une communauté nomade comptant une trentaine de tentes en juillet/août. Après l’arrivée en estive à la fin mai, les dromadaires porteurs divaguaient sur les crêtes, se nourrissant de chardons et de xérophytes. La vie collective pastorale régnait ainsi jusqu’en septembre, ponctuée par la sortie/rentrée du cheptel, le salage des pierres plates à destination des ovins, des séances de réparation de tentes, de préparation du petit lait (aghu) et des soirées d’ahidus (13).
D’autres fractions Ayt Hadiddou, celles d’Ayt Yakoub et d’Afraskou, ayant également empruntées le Tizi n-Mawtfoud, une fois leurs tentes installées, se contentaient des parcours de l’Aqqa n-Tâarâart, de l’Aqqa n-Bou Oustour et de Tafraout n-Serdoun. À chaque fraction ses emplacements de tentes, reconnaissables à des cercles de pierres, et reconduits d’une année sur l’autre.
Haute vallée de Ta’ara’art, massif de l’Ayyachi, nov 1974 (photo: M. Peyron)
Les Ayt Ayyach des ksour de Tâarâart et de Mendaïour, quant à eux, n’utilisaient que les bas versants sud de l’Ayyachi, rive droite de l’Aqqa n-Tâarâart, à partir des bergeries d’Iblilou (2 470m) et de Tadaout n-Woudi, ainsi que certains parcours au nord-est du Tizi n-Mawtfoud (Bou Imterga).
Quatre fractions Ayt Yahya se partageaient la partie ouest de l’Ayyachi. Les Ayt Sliman de la basse vallée de Tâarâart, répartis en trois douars (Tighermine, Louggagh et Massou), accédaient aux almu-s des versants leur faisant face au sud, entre le Tizi n-Itgel (‘col du cèdre’) et le Tizi n-Mawtfoud, notamment sur l’Igourdan. Les Ayt Bou Arbi, qui occupent les cluses de l’Anzegmir entre l’Ayyachi et le Mâasker, avaient accès à l’Aqqa n-Bou Isly et l’Aqqa n-Bou Irifi (‘ravin de la soif’). Les xérophyteraies du versant nord revenaient aux Imitchimen, notamment dans l’Aqqa n-Bou Ghaba, l’Agouni n-Arfa, l’Agouni n-Tidouggwa et l’Imi n-Tkhamt. Plus à l’est sur le même versant, la dépaissance des Ayt Tawlghaout les amenaient sur les parcours de Mitqane, au pied du Tizouliyne (3 407m).
Signalons, pour compléter le recensement des pâturages de l’Ayyachi, que ce sont des éléments Ayt Merghad qui nomadisent, dès la fin-mai aux environs de Jâafar, Tafrant n-Ijimi, Agouni n-Bou Âarar, Taarbat et Tizi n-Toufli n-Wadou. À la fin-septembre ils prennent leurs quartiers d’hiver dans le vallon d’Ikkis, ou sur les glacis de piedmont au-delà de Tagouilelt (Peyron 1975 & 1977)(14).
4) Le plateau des Lacs et sa bordure nord.
Transhumants montant de Tirghist vers le plateau des Lacs, mai 1998 (photo: M. Peyron)
Il s’agit d’un vaste synclinal perché riche en biodiversité, centré sur une zone de pâturages – Izlan et Igran n-Igenna (‘champs du ciel’) – entourant le célèbre Plateau des Lacs, qui se partage entre pozzines, pelouses sèches et steppe à armoise (Sghir & Fennane 2003) ; en altitude, apparaît la steppe semi-aride de montagne à xérophytes, de type méditerranéen froid.
almu pour équidés, Tizi n-Inouzan, oct 1997 (photo: M. Peyron)
En bordure, s’élève une guirlande de montagnes arides, jouxtant d’autres pacages (Amalou n-Inouzan et Tizi n-Taoughrist) ainsi que la cédraie des Ayt Yahya. C’est à près de 3 000m d’altitude dans les escarpements du Fazaz et du Hayim voisins, qu’apparaît le mouflon à manchettes (Ammotragus lervia), au sein d’une zone érigée en SIBE (Site d’Intérêt Biologique et Écologique), laquelle constitue le noyau du futur PNHAO, ou Parc National du Haut Atlas Oriental (Billand 1996). Démarche environnementale, depuis longtemps annoncée, qui souligne le caractère privilégié de cette zone sur le plan faunistique, ainsi que l’absolue nécessité d’une prise de conscience collective de la part des riverains – des ksouriens de Tirghist notamment – quant à l’utilité que revêt pour eux un parc bien géré, générateur de devises, et dans le suivi duquel ils seraient nécessairement impliqués (Bourbouze 1997 ; Peyron 2004). Le mouflon, autrefois menacé, était présent à hauteur de 156 têtes en octobre 1997, d’après un comptage effectué par des Volontaires de la Paix américains (15). Pour le moment, les habitants de Tirghist se plaignent de ce que les mouflons broutent leurs cultures (tshan-akh luhush ! disent-ils), d’autant plus que ces mammifères, bénéficiant de mesures de protection, s’étendent à l’est dans l’Aberdouz et le Wilghissen, ainsi qu’à l’ouest vers le Msedrid, l’Isswal, l’Iger n-Igenna et le Tawjjâaout, broutant les graminées et herbacés de ces massifs, et entrant en compétition avec les ovins et caprins domestiques.
Deux groupements de populations montagnardes ont majoritairement accès au Plateau des Lacs :-
Transhumance d’Anefgou en direction du Tizi n-Inouzan, mai 2009 (photo: M. Peyron)
1) les Ayt Ameur d’Anefgou : cette ancienne fraction Ayt Hadiddou relève actuellement de l’Annexe de Tounfit, étant inféodée aux Ayt Yahya depuis 1933. Le Capitaine Parlange (burlanj) des Affaires Indigènes avait alors fait remarquer aux Ayt Ameur, occupant un canton remarquable par la qualité de ses cédraies, qu’ils avaient désormais intérêt à faire partie du commandement de Tounfit, dont l’autorité les protégerait contre les incursions nocturnes de leurs frères Ayt Hadiddou d’Imilchil, voleurs de bois réputés (16);
almu de Taghighacht, Haut Atlas d’Imilchil, mars 1977 (photo: M. Peyron)
2) les Ayt Yâzza, fraction importante des Ayt Hadiddou de l’Asif n-Tilmi (notamment ceux de Taghighacht) et de l’Asif Melloul (région d’Imilchil). Ils se doivent, cependant, d’y accueillir sans rechigner d’autres éléments Ayt Hadiddou venus des Isellaten (Ou-Terbat), ainsi que des Ayt Brahim du Haut Asif Melloul. Ces dispositions, cependant, ne s’étendent pas à leurs cousins situés sur le versant sud, ceux de l’Imdghas (Haut Dadès), d’où la tribu est originaire. Ce modus vivendi est l’aboutissement d’une longue série de confrontations entre fractions, ayant marqué la période précoloniale, et dont l’enjeu était l’accès aux agdal-s du Plateau des Lacs. Quoi qu’il en soit, cette situation, perçue par certains groupements comme légitimant leurs droits d’estive, remise en cause par d’autres, aura été l’objet de litiges incessants, même si le fait d’accéder aux pâturages d’Izlan demeure un très fort symbole d’unité parmi les Ayt Hadiddou (Kraus 1998).
almu au bord de l’Asif Melloul, en amont d’Imilchil, oct 1997 (photo: M. Peyron)
Les igudlan du Plateau des Lacs ont subi une dégradation inexorable pendant les années 1975-1989, période marquée par un début de stress hydrique significatif. Le schéma de fréquentation, déjà signalé (Couvreur 1968 ), était le suivant en 1979: les ksouriens de Taghighecht disposaient de bergeries permanentes entre Izli et le Tizi n’Irig, ainsi que d’une demi-douzaine dans l’Aqqa n-Ouanine (17). À la fin mars, leurs troupeaux d’un effectif inférieur à une cinquantaine de têtes, avaient encore droit d’accès aux igudlan. Suivait la mise en défens totale (avril-juin) ; à la fin juin c’était la montée en estive d’autres fractions, qui campaient sous la tente. L’accès à d’autres pâturages pouvait être différencié : ceux de Tanoutfit et d’Amandar, par exemple. Ils étaient occupés dès la fin mai 1978 par des transhumants Ayt Hadiddou d’Ou-Terbat.
Pâturage d’automne en bordure du Plateau des Lacs, Ayt Hadiddou, oct. 2002 (photo: M. Peyron)
Lors d’un passage en septembre 1982, nous avions constaté une accélération du phénomène de surpâturage, notamment entre Izli et l’Aqqa n-Moutzeli, marquant les effets secondaires d’une série d’années de sécheresse ; impression confirmée en juillet 1989, époque à laquelle les pâturages d’Igran n-Igenna, massivement transformés en gazons écorchés, présentaient un aspect de dust bowl (Peyron 1992). Simultanément, une autre tendance pouvait être constatée : l’extension sauvage de l’habitat dispersé en bordure des igudlan, accompagnée de mises en culture sur les piedmonts nord du Msedrid et de l’Âari n-Tghighecht (18). Il m’a été confirmé alors que les dispositions habituelles d’accès aux igudlan n’étaient plus respectées en raison de périodes de stress hydrique prolongé. Si on a pu assister (juillet 1991) à une timide tentative de restauration de l’ancienne réglementation, avec désignation d’un amghar n-igudlan stationné à Tasgount, cette initiative semblerait être restée sans lendemain. Effectivement, en mai 2007, à une période où auparavant s’appliquait la mise en défens, on nous annonçait que l’accès aux pâturages était libre pendant toute l’année. Triste constat ! Ainsi, le 20/05/2007, a-t-on pu dénombrer sept troupeaux de plus d’une centaine de têtes sur les pacages entre Izli et l’Aqqa n-Moutzeli. Autre signe d’incurie pastorale : le cadavre d’une brebis flottant au fond du puits situé au bord de la piste qui mène de Tasgount au Tizi n-Irig, sur le rebord nord du plateau. Interrogé à ce propos par nos soins, un berger de Taghighecht a répondu que cela ne le concernait pas ; que cela relevait des gens d’Imilchil.
Pâturage d’Imilchil (Plateau des Lacs) en accès illimité aux troupeaux, mai 2007 (photo: M. Peyron)
Malgré cette fréquentation pastorale accrue, à laquelle il convient d’ajouter la pollution sonore (et autre) des bivouacs de trekkeurs et des adeptes de VTT et de 4×4, phénomène déjà dénoncé (Peyron 2003 & 2004), on constate la difficile survie de la biodiversité à proximité des deux lacs – Izli et Tizlit. Le premier, aux berges érodées et dépourvues de roselières, est plutôt pauvre sur le plan faunistique; le deuxième, malgré par la pression touristique, dont présence d’une auberge (Ramou 2005), présente une faune aviaire relativement riche, dont les trois variétés de grèbes répertoriées au Maroc, favorisée par la présence de cinq importantes roselières, que des baisses de niveaux successives mettent parfois en danger. En mai 2007, toutefois, une pluviométrie généreuse avait contribué à une remontée spectaculaire du niveau des eaux.
On ne peut évoquer le Plateau des Lacs et ses bordures sans mentionner les somptueuses cédraies voisines des Ayt Yahya, dont la présence serait de nature à apporter une valeur ajoutée au futur PNHAO. Or, certains triages, loin des axes routiers et des regards indiscrets, font l’objet de campagnes d’abattage, de coupes illicites à grande échelle, de surpâturage intensif (Tarrier 2007) (19). Loin d’être tenu en échec par les rondes d’agents forestiers (20), ce fléau connaît une montée en puissance, une demande grandissante de bois pour l’ébénisterie et l’artisanat alimentant un trafique fleurissant, où chacun trouve son compte, exception faite pour l’indigent paysan marocain du coin, floué une fois de plus (Bennani 2007) (21)! Pratiques qu’il conviendrait de dénoncer et de combattre avec toute la rigueur nécessaire. De tout ceci il ressort clairement que l’ensemble altimontain que constitue le Plateau des Lacs, avec ses zones humides, pelouses d’altitude et forêts, de par la biodiversité qu’il renferme, mérite un suivi sérieux, si l’on entend le conserver pour les générations futures.
Pâturages écorchés, est du Plateau des Lacs, mai 2009 (photo: M. Peyron)
5) Les almu-s les plus inaccessibles de l’Atlas marocain.
Il s’agit des pâturages d’Almou n-Ouensa, de Timitt, d’Asfalou n-Timitt et d’Almou n-Selloult. Site totalement asylvatique d’une grande austérité, entouré de chaînons dépassant les 3 000m d’altitude, Almou n-Ouensa est un pâturage de montagne (2 500m) situé à une journée de marche au sud-ouest d’Imilchil. Son intérêt pour la biodiversité réside en une steppe xérophytique, ainsi qu’un ensemble de pelouses rases de plusieurs hectares. Une partie de celles-ci sont semi-humides et abritent des batraciens, notamment à proximité des sources, que fréquente un rapace solitaire observé deux années de suite (2004 & 2005), identifié comme étant un Circaète jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), et dont l’interaction avec les dits batraciens est un garant précieux de biodiversité. Bien que les poissons constituent l’essentiel de l’alimentation de son alimentation, le Circaète peut effectivement se contenter de grenouilles. Sa présence en mai est tout à fait compatible avec les couloirs de migration qu’emprunte l’espèce, compte tenu des observations dont elle a fait l’objet (22).
Source & pâturages d’Almou n-Wensa, mai 2004 (photo: E. Hatt)
À la fin mai la présence des Ayt Hadiddou se limite à une dizaine de tentes, occupées principalement par des filles et jeunes femmes. Pendant la journée les coussinets épineux (Alysum spinosum, Erinacea antyllis, etc.) des versants voisins sont mis à contribution par les ovins et caprins, ainsi que par les femmes qui s’en servent comme combustible. Quant aux pelouses principales, elles sont fréquentées par de petits groupes d’ânes, en symbiose avec des vols d’oiseaux, qui capturent les insectes dérangés par les sabots des équidés ; il s’agit de la Bergeronnette printanière (Motacilla flava) et du Pipit spioncelle (Anthus spinoletta). Autres représentants de l’avifaune : le Crave à bec rouge (Pyrrhocorax pyrrhocorax), dont on observe des vols importants, ainsi que l’Alouette pispolette (Calandrella rufescens), présente à la lisière des pelouses rases. Il est à noter que la consommation d’herbe rend particulièrement nerveux les ânes en question, dont on voit certains lancés au galop, apparemment sans raison (23). En mai 2004, année humide, l’almu, d’un vert saturé, était gorgé d’eau et présentait un aspect de saine abondance. L’année suivante à la même époque, le lisières paraissaient desséchées, voir écorchées, alors que le débit de la source principale était visiblement moins important. Ceci souligne, s’il en était besoin, le caractère fragile d’Almou n-Ouensa, raison pour laquelle nous en avions proposé la candidature comme zone SIBE dans un travail antérieur (Peyron 2004).
Timitt et Asfalou n-Timitt se situent à deux/trois heures de marche au sud-ouest d’Almou n-Ouensa. On se trouve là au carrefour de la transhumance Ayt Hadiddou, Ayt Merghad et Ayt Sokhman, tristement célèbre par le passé pour ses nombreux litiges, dégénérant parfois en rixes entre bergers pouvant entraîner l’intervention sur les lieux des autorités, parfois jusqu’au grade de qayd mumtaz. Déjà, du temps du Protectorat, la fréquentation de Timitt donnait lieu à des tensions entres groupements (Couvreur 1968). Du reste, Timitt ne détient pas l’exclusivité en matière d’affrontements entre bergers ; la tradition orale locale signale à maintes reprises le même phénomène entre pâtres Ayt Abdi et Ayt Daoud ou Ali pendant les années 1990, à l’agdal de Tinguerft, rive droite de l’Asif Melloul. Les années de sécheresse n’ont fait qu’aggraver le phénomène ; ici ovins, caprins et camélidés doivent se contenter de xérophytes épineux, les pelouses étant rares, les pozzines faisant défaut – impression générale de pâturages dégradés, de manque de biodiversité (24). Deux années successives (fin mai 2004 & 2005) une quinzaine de tentes a été observée sur le site dans son ensemble. Quant à l’unique point d’eau, Anou n-Timitt, ce puits était plein à ras bord en 2004, alors que le niveau avait baissé de 30cm en 2005.
Almou n-Selloult, mai 2004 (photo: M. Peyron)
À cinq kilomètres au sud-ouest, par un ravin escarpé, siège d’une humidité résiduelle, avec de loin en loin une tente Ayt Hadiddou sous des surplombs, ou une bergerie en pierres sèches, l’on parvient au cirque d’Allen Ighboula (‘les yeux de la source’) : champs d’orge irrigués, les premiers depuis Imilchil. On se situe à la limite entre Ayt Hadiddou et Ayt Sokhman ; les deux groupements, il convient de le souligner, semblent entretenir là de meilleurs rapports de voisinage que par le passé (25).
En remontant un vallon plein sud, parcouru par un asif (‘torrent’) on atteint le premier des almu-s de Selloult, vaste complexe de pelouses et sources, de champs d’orge également (26), appartenant aux Ayt Sokhman (fraction des Ayt Abdi). D’après nos observations (1982, 2004 & 2005), il est permis d’affirmer que les pastoraux de ce secteur n’ont plus recours à la tente, mais à des bergeries permanentes installées à proximité en ordre dispersé. À la fin mai un amghar n-igudlan y passait ses journées à veiller au bon déroulement de l’accès aux pâturages. Sa seule présence constitue un facteur rassurant : le makhzen marque ainsi son intérêt, fût-ce de façon tenue et lointaine, à ce que l’ordre règne sur place. Du reste, une aire d’atterrissage pour hélicoptère, aménagée à côté de la demeure de l’amghar n-igudlan, indique une présence virtuelle de l’autorité.
Partie écorchée d’Almou Akhattar, mai 2005 (photo: M. Peyron)
Une conjoncture alarmante
Les cas concrets ci-dessus exposés ont permis de constater que, bien que les usagers comprennent la nécessité de règlementer l’accès aux pâturages et des écosystèmes avoisinants, on aboutit, dans la majorité des cas, au non-respect de la réglementation sur les agdal-s et les parcours forestiers avec comme résultat une perte de biodiversité dans de nombreux sites, accompagnée par une dégradation des sols. Ceci pour les raisons suivantes :-
a) les sécheresses à répétition depuis 1980, caractérisées par un stress hydrique nuisible à la survie des forêts et herbages, lesquels, de plus en plus sollicités, prennent davantage de valeur, tout en diminuant de superficie, à cause de
b) la spéculation ovine effrénée de la part de propriétaires de troupeaux citadins et absentéistes;
c) la pression touristique et démographique (implantations d’habitat sauvage), avec comme corollaire le goudronnage de nouvelles pistes de pénétration, facilitant
d) le saccage de la cédraie, animé par le trafique du bois d’ébénisterie et de menuiserie (plafonds en cèdre, etc.)
De ce fait, compte tenu de la conjoncture actuelle, les phénomènes c) et d) sont totalement déphasés, tant par rapport aux critères écologiques mondialement reconnus, qu’à la demande très forte du marché de l’éco-tourisme, dit « tourisme vert ». Situation locale particulière où, s’agissant des marchés de la viande et du bois d’œuvre, la loi de l’offre et de la demande semblerait rester souveraine, le tout assorti de « langue de bois », de pieuses déclarations d’intention, et ce au détriment de mesures effectives de préservation de la biodiversité. Conjoncture néfaste qui est en passe de gagner la totalité du Moyen Atlas, au risque de s’étendre à l’ensemble du Haut Atlas marocain. Déjà, parmi les massifs orientaux de l’Atlas qui nous concernent, les signes avant-coureurs de l’inéluctable désastre sont clairement visibles. En effet, à la vue des atteintes que subissent les biotopes, il est possible d’effectuer des projections sur une cinquantaine d’année en aval selon un scénario se déroulant en quatre stades.
Cédraie fossile, Tizi n-Mawtfoud, vallée de Ta’ara’art, nov 1974 (photo: M. Peyron)
1° Apparition de cédraies fossiles, voire « thérophytisées » (Benabid 1995), revêtant l’aspect d’un maquis de chênes-verts comportant quelques cèdres squelettiques témoins ; exemple : versant sud du Tizi n-Ighil, région de Tounfit ;
2° chênaies aux arbres moribonds, réduits à l’état de moignons à peine feuillus ; exemple : versant nord du Jbel Harouch (2 974m), Haut Ziz ;
3° avant-dernier stade : versants à xérophytes résiduels, servant éventuellement de parcours aux caprins, devenus difficilement accessibles (mai 2007), car érodés, ravagés, par le ruissellement des orages estivaux, alors qu’en avril 1970, on y circulait facilement sur sentier ; exemple : crête du Tizi n-Ighil entre sommet-2 690 et Tizi n-Ou Houdim, région de Tounfit ;
4° phase finale : versants totalement décapés, dépourvus de végétation, infréquentables par des troupeaux ; exemple : versant dit Bou Imterga (« le raviné »), vallée de Tâarâart, massif de l’Ayyachi.
Bouimterga (‘le raviné’), vallée de Ta’ara’art, nov 1977 (photo: M. Peyron)
Enchaînement pouvant contribuer, à terme, sur le plan écologique, à un « scénario catastrophe », d’autant plus que le réchauffement planétaire ne semblerait pas épargner le Maroc.
Conclusion
Malgré la complexité, la gravité de la conjoncture actuelle, envers et contre tous, l’institution de l’agdal, régie par la coutume semblerait vouloir perdurer, grâce à sa souplesse, adaptée qu’elle est à une situation souvent fluide, conflictuelle. C’est ainsi que l’on pourrait entrevoir, comme moyen de sortie de crise, un heureux mariage entre des méthodes modernes de gestions de conflits et les sages dispositions sur les igudlan contenues dans l’izerf traditionnel (27). Initiative qui sera, toutefois, vouée à l’échec tant que, au mépris de toute considération environnementale, l’appât du gain (spéculation ovine, trafique du bois de cèdre, etc.) demeurera le seul critère pouvant régir l’approche de la problématique des igudlan et autres parcours forestiers.
Il est souhaitable, en tout cas, que l’actuelle génération de chercheurs marocains –scientifiques et hommes de terrain convaincus de la nécessité d’une démarche conviviale envers l’environnement, à l’instar de ceux que nous avons rencontrés à Marrakech le 12 mai 2007 – puisse mener à bien ses travaux, faire entendre sa voix ! Faire comprendre, en haut lieu, que pacages et cédraies protégés valent mieux que pâturages et cédraies saccagés ; qu’ils y ont tout à gagner. Quelque chose pourra alors être sauvé.
Compte tenu de ces impératifs il y a urgence absolue à mener un certain nombre d’actions en profondeur, et d’en garantir le suivi :-
a) Réactualiser une transhumance respectueuse de la biodiversité, qu’il s’agisse de la conservation des sols, des gazons d’altitude et des différents formes de vie végétale, animale, aviaire et autre qu’ils renferment ; en particulier, sensibiliser les adultes au besoin de respecter la biodiversité afin de redresser certaines tendances néfastes (capture de macaques, de porcs-épics, ou abattage au lance-pierres des passereaux, élimination aveugle – et par ignorance – des reptiles de toutes sortes), etc. ;
b) Veiller sur le terrain à l’application effective des règlements interdisant le braconnage, notamment en ce qui concerne des représentants « nobles » de la faune, tels le mouflon ;
c) Rechercher un équilibre permettant d’assurer une gestion performante des ressources naturelles (eaux, forêts, faune, etc.);
d) Compte tenu de l’importance grandissante de l’écotourisme, doter l’industrie touristique marocaine d’une déontologie de la biodiversité, notamment de façon à mieux gérer les déchets à proximité des gîtes, ainsi que la pollution qui apparaît le long des itinéraires de trekking ;
e) Former des guides du CFAMM à Tabant (Ayt Bouguemmez), notamment ceux provenant du nouveau recrutement citadin, moins avertis des choses de la montagne que leurs collègues du jbel, de façon à ce qu’ils soient conscients des enjeux gouvernant l’environnement et la transhumance, notions auxquelles ils ne sont pas naturellement sensibilisés ;
f) Etablir un cadre de planification décentralisé et participatif (comités de co-ordination nationaux et régionaux incorporant les instances traditionnelles) ;
g) Ériger un code national pastoral (du style « charte des pâturages » ) qui insisterait, en particulier, sur une réduction au moins de moitié de la taille de chaque troupeau, de façon à soulager la pression insoutenable dont les biotopes font l’objet ;
h) Créer un centre de formation pastorale combinant savoirs locaux et connaissances technologiques modernes (28).
Ainsi, l’importance des massifs orientaux de l’Atlas marocain, « point chaud » de la biodiversité méditerranéenne, est-elle désormais largement reconnue. L’institution des agdal-s se situant, on le sait, au cœur d’un système national, voire international, impliquant le traditionnel, le politique, le social, le tourisme, on ne peut qu’espérer une prise de conscience des responsables afin que soit sauvée une fleuron millénaire, vital à l’équilibre écologique du pays.
Appendice A : observations ornithologiques
Agelmam Afennourir
Voici une liste non-exhaustive (observ. pers. le 24/05/2005) :- Cigogne (Ciconia ciconia), Balbuzard-pêcheur (Pandion haliaetus), Faucon hobereau (Falco subbuteo), Grèbe à cou noir (Podiceps nigricolis), Grèbe huppé (Podiceps cristatus) ; Héron cendré (Ardea cinerea), Tadorne casarca (Tadorna ferruginea), Fuligule milouin (Arthya ferina), Échasse blanche (Himantopus himantopus), Chevalier guignette (Tringa hypoleucos), Chevalier gambette (Tringa totanus), Sterne pierregarin (Sterna hirundo), Pie-grièche à tête rousse (Lanius senator), un Traquet (Oenanthe lugens), deux variétés de Foulque (Fulica cristata & Fulica atra) ; auxquels il convient d’ajouter une Avocette (Recurvirosa avosetta), observ. pers. en mai 1999.
Plateau de Tassamakt
Observ. pers. (mai 1984, ainsi que les 21/04/2006 & 05/05/2007). L’avifaune est relativement pauvre, dont deux espèces de Traquet (Oenanthe oenanthe seebohmi & Oenanthe lugens) ainsi que les deux espèces de Foulque répertoriés dans le Moyen Atlas (dans l’agelmam en bordure de route à 1 km à l’est du plateau); Milan noir (Milvus migrans), Aigle botté (Hieraaëtus pennatus), Glaréole à collier (Glareola pratincola), Alouette Hausse-col (Eremophila alpestris).
Plateau des Lacs
Roselières en bordure de Tizlit, mai 2007 (photo: M. Morgenthaler)
Avifaune de Tizlit (liste non exhaustive) : Circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus), Grèbe huppé (Podiceps cristatus), Grèbe à cou noir (Podiceps nigricolis) présent également à Izli, Grèbe castagneux (Tachybaptus ruficolis), Tadorne casarca (Tadorna ferruginea), Canard souchet (Anas clypeata), Chevalier guignette (Tringa hypoleucos), Chevalier culblanc (Tringa ochropus), ainsi que l’omniprésent Foulque (Fulica cristata) ; également un visiteur rarissime, le Panure à moustaches (Panurus biarmicus), observ. Le 10/04/2004. Biotope moins riche à Izli :- Courlis (Numenius arquata), Alouette hausse-col (Eremophila alpestris), Goéland leucophée (Larus cacchinans michahellis) qui est une sous-espèce du Goéland argenté (observ. le 24/12/1987).
NOTES
1 Observation personnelle, désormais « Observ. pers. », (22/05/1981).
2 Observ. pers. à Agheddou (02/07/1978), ainsi qu’à Anefgou (30/06/1988).
3 Observ. pers. d’une tente écrasée par la neige, à Imi n-Tkhamt, Imitchimen, versant N de l’Ayyachi (01/11/1978).
4 Cf. J. Robichez, Maroc central, Arthaud, Paris/Grenoble, 1946 (p. 174), pour une photo ancienne de cette source, point de rencontre de la transhumance des Ayt Hadiddou et des Ayt Merghad.
5 Observ. pers. (22/05/2001).
6 Observ. pers. de Denis Dourron (15/10/1975), co-auteur De l’Ayachi au Koucer (1976) ; cf. également, une coutume similaire chez les Ilemchan des Ayt ‘Atta ( J. Robichez, op. cit., p.45).
7 Également haguza (ar.) chez certains groupements amazighes du Moyen Atlas.
8 Dont certains pâtres arabophones montés de l’azaghar ; observ. pers. (février 2003).
9 Cf. également > http://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_Afennourir
10 Observ. pers. in situ en février et mai 2007.
11 Conversation avec l’intéressé le 17 avril 2007, lors de la tenue à l’Université Al-Akhawayn d’Ifrane, du Colloque « Implication des populations amazighes dans le tourisme de montagne au Maroc ».
12 Observ. pers. sur la période 1998-2007.
13 Résultats d’observ. pers. effectuées in situ. Informations, toutefois, marquées par une absence de données sur la période 1991-2007.
14 Oberv. pers. en septembre 1999, mars 2001, mai 2002 et mai 2007, lors de tournées sur les piedmonts nord-ouest de l’Ayyachi.
15 Observ. pers in situ. Par ailleurs, une fois définitivement en place, le PNHAO pourra intervenir sur les rapaces de la région, dont le nombre a fortement diminué ces dernières années, principalement en raison d’un abus de pesticides.
16 Tradition orale, Anefgou, printemps 1978.
17 En mai 2007 on dénombrait dans l’Aqqa n-Ouanine une demi-douzaine de hameaux composés de « résidences secondaires », ainsi que des champs multiples et des peupliers plantés le long du cours d’eau.
18 La généralisation de cette tendance, parfois avec plantation de vergers (urtan), a été constatée sur le terrain par nos soins entre Taghighecht (Asif n-Tilmi et Sountat (Asdif Melloul), en septembre 1998.
19 Cas affligeant du site sacré du Tazizawt, l’un des plus prestigieux cimetières des héros de la résistance marocaine. Étant l’objet d’un pèlerinage annuel le 24 août, deux sentiers ont été aménagés dans la forêt pour faciliter l’accès des pèlerins ; malheureusement, entre 2005 et 2007 des voleurs de bois de la région d’Aghbala en ont profité pour s’y livrer à des coupages sauvages. Le chemin que suivent les pèlerins vers le cèdre sacré est désormais jonché de troncs en instance d’équarrissage, de copeaux de cèdre…
20 Ceux-ci, à l’instar de deux forestiers du poste de Tirghist, rencontrés dans le Haut Asif n-Ougheddou le 22/05/2007, qui sont obligés de circuler armés, tant est grand le danger que représente une rencontre avec une équipe décidée de voleurs de bois (ikhewwan n-ikshuddn).
21 C’est la douloureuse affaire d’Anefgou (hiver 2006-2007) – signalée par la chaîne de TV arabe Al-Jazeera – avec la mort de 29 jeunes femmes et enfants en bas âge, suite à une maladie non encore identifiée (pneumonie mal soignée ?), dont l’hebdomadaire Tel Quel s’est fait l’écho, et qui a déclenché un véritable scandale national en exposant l’inefficacité des services de santé. Depuis, on a procédé à Anefgou à l’installation d’une borne de téléphonie portable et le goudronnage de la piste avance de mois en mois.
22 Rapace aperçu à contre-jour le 21/05/2005 ; probabilité à 80 % qu’il s’agisse effectivement d’un Circaète, bien que l’on ait pu le confondre intialiement avec un Balbuzzard. À signaler, en revanche, une perte de biodiversité sensible sur l’almu voisin de Tanoutfit, où une colonie d’écureuils de Gétulie (Atlantoxerus getulus) qui peuplait la pelouse avoisinant la source (observ. nov . 1986) avait disparue en mai 2002.
23 Nervosité de la part des équidés également (observ. le 23/05/2005) à Almou Amezzan (pâturage fréquenté par les Ayt Hadiddou de l’Imdghas), où, après avoir copieusement consommé des graminées, deux mulets ont chargé un troupeau de moutons.
24 Avifaune très pauvre : Faucon lannier (Falco biarmicus erlangeri), observ. Le 19/05/2004, Perdrix gambra (Alectortis barbara), exemplaire unique, observ. le 24/05/2005.
25 Une rivalité tenace opposait autrefois ces deux groupements ; cf. D.M. Hart (1984). Nous avions effectivement remarqué des comportements conflictuels, relevant de ce phénomène, en mars 1975 dans l’Asif Melloul, ainsi qu’en novembre 1979 dans l’Imdghas.
26 Champs d’Almou n-Selloult où, fin mai 2004, l’on notait la présence de la Caille des blés (Coturnix coturnix), ou tazerkilla en Tamazight ; également observ. en juillet 1982 : Traquet du désert (Oenanthe deserti) et Gypaète barbu (Gyaëtus barbatus).
27 Cf. projet de recherché “Capstone”, de N. Maouni, 2005. Université Al-Akhawayn Ifrane, 2005.
28 Cf. Projet UNDP (Programme de Développement des Nations Unies), n° MOR/98/G41/A1G/31, “Morocco : Transhumance for Biodiversity Conservation in the Southern High Atlas”.
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