Tour Operator Watch N° 11: 22-day Great Atlas Traverse
Posté par Michael Peyron le 7 décembre 2010
Tour Operator Watch N° 11: 22-day Great Atlas Traverse
by Michael PEYRON
Up to now most information under the « Tour Operator Watch » heading has been in English. However, as some readers have pointed out that there is a slight imbalance on this website in favour of English, for a change, we thought we might resort to the French language.
Imilchil, ssuq es-sebt, oct. 1997 (photo : M. Peyron)
Cette rubrique, qui compte déjà 10 parutions, s’est donnée comme but d’éclairer d’un coup de projecteur ce qui se passe sur la planète Tour-Operators/Atlas-marocain ; de suivre les tendances du marché, de façon à informer là clientèle montagnarde ; de la mettre en garde, le cas échéant, contre les supercheries toujours possibles. Chercher aussi, à démonter le discours des TO, à en exposer les failles, les demi-vérités et les pittoresques approximations de façon à amener le randonneur à y voir claire dans cette approche mercantiliste du Haut Atlas ; à disséquer le produit qui lui est proposé. En fin de compte, si ce n’est pas trop présomptueux de notre part, l’amener à faire son choix en toute équité. Eventuellement, à se prendre en charge lui-même, de monter son affaire avec quelques amis triés sur le volet, de recourir le cas échéant à un accompagnateur ou gîteur local, afin de mieux vivre son aventure marocaine en harmonie avec les populations amazighes de ces montagnes.
Si tel est notre souhait c’est que nous constatons, au fil des années, une dégradation progressive des sites de l’Atlas marocain qui subissent des atteintes répétées, du fait du tourisme de masse auxquels ils se trouvent exposés, processus auto-destructeur qui est en passe de gâcher irrémédiablement certaines destinations ayant jusque-là fait le bonheur des visiteurs. En effet, le pasage répété de « petits » groupes de 12-16 touristes provoque de la pollution environnementale (Tizlit), des graffiti (Toubkal), l’éffondrement de l’architecture traditionnelle (Imilchil, Telouet, Aremd), l’abandon de certains champs et chemins de traverse (Zat-Ourika), un phénomène de masse (Toubkal), joint à l’acculturation et l’ altération de l’hospitalité traditionnelle (quasiment toutes les régions), enlève son charme aux bourgs et contrées, décourage les visiteurs.
Tafrawt n-Ayt ’Abdi, avr. 1984 (photo : M. Peyron)
On peut, sans se tromper, prétendre que le Haut Atlas est devenu un produit commercial à multiples facettes. Les agences ont puisé sans vergogne dans divers ouvrages publiés sur les montagnes du Maroc, dont la Grande Traversée de l’Atlas Marocain (GTAM) de Michael Peyron (éditions 1984 & 1988). Elles se sont inspirées largement les unes des autres, et, au terme d’une trentaine d’années, ont mis au point les destinations phares qui ornent leurs catalogues. Parmi celles-ci, une tendance très nette se dessine depuis deux ou trois ans : la « Grande Traversée du Haut Atlas » (GTHA) des Bouguemez à Imlil en 22 jours. Un numéro hors série de Trek Magazine (2009) y a puissamment contribué ; dans une moindre mesure, sans doute, une lettre circulaire des années 1980, ébauchant le parcours en question, précisément en 22 jours, que l’auteur avait rédigé en réponse à des demandes d’information alors qu’il était Président du CAF de Rabat.
Une étude approfondie du dossier nous a permis de constater qu’au moins 24 agences visent ce créneau des 22 jours pour une traversée axiale de l’Atlas. Il s’agit, pour une écrasante majorité, de TO français (Visages, Grand Angle, etc.), à côté de quelques britanniques (Kendal Adventure, Classic Journeys, etc.), ainsi que d’une poignée d’agences locales (Azul Travel, Maroc-Vert, etc.), qui, quant à elles, prévoient 21 jours. Constatation qui appelle quelques remarques.
Aghembo n-Chinzar (massif du Kousser) vu depuis Anergui, fév. 2002 (photo : M. Peyron)
1) Il s’agit, à proprement parler d’un phénomène de saturation, liée à une banalisation pure et simple du produit GTHA, surtout lorsqu’on sait que les voyages ainsi programmés sont censés connaître plusieurs rotations par saison. Avec autant d’agences sur les rangs, chacune soucieuse de préserver sa part du marché, on va trouver un peu de tout dans le lot : de bons prestataires de service ; des moins bons, aussi. C’est dire que la médiocrité risque de faire son apparition, si ce n’est pas déjà le cas. Faire preuve de manque de professionnalisme, c’est bien là l’ultime tare pour un voyagiste. En effet à force de relever les bourdes, voire les attrape-nigauds qui émaillent les catalogues des agences on peut valablement s’interroger quant à leur sérieux sur le terrain. Quelques exemples : illustrer l’Ayyachi par une photo d’Oul Ghazi, dans l’Asif Melloul (!), ou le damier de champs des Ayt Bougemmaz par une vue des gorges du Haut Dadès (!) ; l’orthographe fantaisiste (Yagourt pour Yagour) ; les coquilles (Mgnou pour Mgoun/ Armed pour Aremd) ; les inexactitudes (situer Zawit Ahansal dans le Moyen Atlas) ; ainsi que d’autres lacunes (parler de Megdaz sans évoquer les Chants de la Tassaout). Certains catalogues et/ou sites web, c’est du « n’importe-quoi » !
2) Si les agences semblent être d’accord sur la pointure de 22 jours pour la GTHA, on distingue des nuances quant aux parcours. Heureusement qu’elles ne suivent pas toutes le même itinéraire ! Cinq d’entre elles programment Imilchil-Telouet ; une Toufghyn-Telouet en 15 jours; 17 prévoient Bouguemmez-Imlil en y ajoutant l’ascension des sommets du Mgoun et du Toubkal (parfois aussi l’Inghomar), périple souvent annoncé comme « combiné Mgoun-Toubkal », ou « Raid Mgoun-Toubkal ».
3) En revanche, à prévoir grosso modo le même itinéraire, le système garantit une certaine uniformité mêlée de souplesse. En cas d’entente entres agences (la solidarité inter-TO semble exister), si tel voyage ne compte que peu d’inscrits chez l’agence A, on va les faire basculer chez des collègues plus chanceux en partance pour la même destination. Ainsi chacun y trouvera son compte. Ce serait le cas, notamment, de certaines agences lyonnaises et savoyardes qui, à la lecture de leurs programmes, semblent assurer une forme d’interchangeabilité.
4) Du point de vue du seuil de rentabilité, il existe parfois un minimum exigé, disons 8-10 participants. Les clients souhaitant partir en sous-nombre peuvent se voir pénalisés à hauteur de € 150 environ par tête. Du reste, certaines agences proposent d’emblée un forfait pour petit groupe d’amis, car tout le monde n’aime pas forcément se promener en compagnie d’inconnus à la fois illustres et nombreux. D’autres voyagistes, flairant là un créneau porteur, se mettent en quatre pour ces petits groupes, allant jusqu’à les inviter à formuler leur propre budget. Ou alors, on annoncera que les groupes seront limités à 10 participants. Signe révélateur d’un marché hautement concurrentiel, voire en crise.
5) On retiendra qu’en fin d’exercice la part du gâteau revient très nettement aux TO, alors que les locaux (accompagnateurs, gîteurs, et muletiers) sont les grands perdants dans cette affaire. Une étude toute récente par deux géographes marocains, en poste à l’IRCAM, ne laisse aucun doute à ce sujet. [cf. M. Ait Hamza, & H. Ramou, « Le tourisme en milieu rural et le développement local », Marocco : turismo e sviluppo locale, (M. G. Lucia & H. Ramou, éds.), Paris, L’Harmattan, 2010 : 177-196]. En somme, les locaux continuent à se faire exploiter à distance par des acteurs étrangers, situation déjà dénoncée par l’auteur il y a 30 ans.
6) Il ne faut pas croire, non plus, que tous les voyages programmés aboutissent sur le terrain. Assurer le remplissage sur une destination n’est pas toujours aussi évident qu’il y paraît ; l’Atlas marocain est une destination privilégiée, mais il suffit d’une menace d’attentat pour tout remettre en cause, si ce n’est la baisse du pouvoir d’achat lié à la crise économique. Le déchet serait même assez élevé, bien que nous ne disposons d’aucune donnée chiffrée là-dessus.
7) Une minorité d’agences se distingue, par rapport à cette GTHA en 22 jours, en introduisant des formules différenciées, et c’est tout en leur honneur. La Balaguère, par example, prévoit 15 jours pour sa « mosaïque berbère » sur Imilchil-Bouguemmez ; pour la même durée elle programme un Toubkal-Essaouira via Tinmel, l’Aghbar, le Tichka, et le Seksawa. Le voyagiste Club Aventure, quant à lui, annonce un Imilchil-Bouguemmez en 15 jours.
Ras Moulay ‘Ali et village d’Ighilmellen, Haut Seksawa, avr. 1987 (photo : M. Peyron)
Autre tendance que nous observons actuellement : certaines agences font le forcing publicitaire sur des créneaux de 8 jours : les quatre 4.000 du Toubkal ; traversée N-S du Mgoun ; séjour multi-activités dans l’Atlas de Marrakech avec notamment de l’accroc-branche chez un gîteur local. Ou alors c’est la rando océane qui est proposée, si ce n’est le très alléchant binôme dunes-dromadaires dans le Grand Sud…
A scruter la liste des voyagistes on constate que certains, autrefois présents sur ces créneaux, manquent à l’appel ; sans doute en raison de la crise ont-ils dû « boire le bouillon ». Dure loi de l’offre et de la demande sur un marché hautement compétitif à la déontologie impitoyable. D’autres encore, et c’est le cas des britanniques Sherpa Travel et Exodus, semblent abandonner cette GTHA sans doute jugée hyper-fréquentée, banalisée, préférant se déployer sur des créneaux plus porteurs comme le Toubkal en hiver, le tourisme côtier ou oasien.
Couple chez les Igliwa, région de Telouet, oct. 1975 (photo : M. Peyron)
Car, à lire les blogs d’usagers, il apparaît que l’on repproche aux TO de faire preuve de manque de créativité et d’imagination. Surtout dans leur façon de suivre d’une année sur l’autre des itinéraires identiques. Si tout le monde fréquente les mêmes sentiers en même temps la saturation risque, à la longue, de dégoûter les usagers. On sait que le randonneur grenoblois ou savoisien n’aime pas se retrouver seul, mais, tout de même, de là à jouer des coudes avec une foultitude de ses semblables en des bivouacs collectifs comme les Neltner ou le camp de base du Mgoun, c’est une autre paire de manches. A ce moment-là pourquoi chercher à tout prix le dépaysement au Maroc si c’est pour y retrouver la même ambiance qu’un Dimanche de Pentecôte en haut du Taillefer ou de la Tournette ?
Les TO, sensibles à ce genre de critique, répondent par une mesure de souplesse : à l’intérieur d’un trek comptant une quinzaine de participants, on créé deux, voire trois sous-groupes selon des critères d’affinité. Chaque composante du groupe va désormais progresser à un rythme qui lui est propre ; emprunter éventuellement des variantes d’itinéraire, quitte à se retrouver en un campement commun un jour sur deux.
Autre tendance relevée, les limonadiers de l’aventure qui proposent la GTHA en 22 jours se targuent de pratiquer une forme de « Tourisme responsable », voire « durable » : formule floue, fourre-tout qui sert à donner à ces agences bonne conscience, à rassurer leurs clients, sans que l’on sache vraiment de quoi il s’agit. Esbroufe et faux-fuyants; nous pensons que tout cela flaire l’effet d’annonce plutôt qu’autre chose ! Cela va surtout permettre aux voyagistes de continuer impunément à mettre à mal les dernières destinations encore intactes, ou ayant conservé un résiduel brin de charme.
Donc, en définitive, si vous voulez randonner en paix dans les monts de l’Atlas marocain, préparez sérieusement votre affaire, documentez-vous à fond, impregnez-vous du Maroc par la lecture, car ce genre de voyage se mérite. Munissez-vous de la carte Michelin du Maroc, fort utile pour toute planification de périple ; éventuellement du Routard (du Rough Guide ou LPG si vous êtes anglophone). Puis allez-y en voyage individuel avec 2-3 amis de votre choix ; sur place faites-vous accompagner par quelqu’un du pays, et à l’étape essayer de loger chez l’habitant. Adoptez une attitude ouverte, sympa, sans misérabilisme aucun. C’est la meilleure formule pour aborder le monde amazighe (berbère). L’auteur de ces lignes ne fait pas autrement depuis 45 ans.
Lone Backpacker
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